Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

"L'âge de la parole", Jean-Loup Fontaine, éditions de la Différence, 109 pages, 18 octobre 1993, 98 F

Grand absent des anthologies de poésie, Jean-Loup Fontaine est né le 15 mars 1947 à Loos-en-Gohelle, et décédé le 12 mai 1993 à Lille, à quarante-six ans (je vous laisse deviner l'origine de cette disparition prématurée). Il a toujours écrit, car « la poésie répond au besoin d'exaltation, au besoin du sublime, qui est celui de tout être chez qui les préoccupations du prix de revient n'ont pas encore tué tout sentiment d'humanité. » (lettre à Guy Rouquet, 1992, in L'âge de la parole).
Le premier tome (1988-1993) suivi du second (1993-2001) des Œuvres complètes de Jean-Loup Fontaine ont été tous deux édités en mai 2023, 30 ans après sa disparition. C'est là une belle réédition, initiée par "Les Cahiers de l'Egaré". Dans le premier tome, on pourra lire les six premiers recueils de poésie publiés du vivant de Jean-Loup Fontaine, maintenant tous épuisés : Passages secrets (1988), L'éducation sentimentale (1988), Le grenier à sommeils (1989), Un chemin entre le pain et l'eau (1989), Eclatements vus de l'intérieur (1991) et Chemin de ronde (1993). Le second tome de ses Œuvres complètes comprend la publication d'écrits que le poète n'a dans leur majeure partie pas vu édités, pas plus qu'il n'a connu pour eux « cette petite jouissance d'avoir ses mots sur des pages que d'autres mains tournent. » (lettre à Jean Dauby - 1991). 

Le 12 mai 1992, il écrivait, dans une lettre qui servit de postface à l’ouvrage : "L’aventure humaine, le poète ne doit-il pas tenir à honneur de ne pas laisser canaliser son flot ? Et plus que jamais, peut-être, aujourd’hui que les nécessités intérieures les plus fondamentales sont mises sous le boisseau - au profit de préoccupations qui, en dernière analyse, ressortissent toutes de l’avoir et du devoir.
Ne voit-on pas qu’il s’agit partout de rabaisser tout ce qui peut continuer à se charger d’un pouvoir d’exaltation par quoi la vie s’obstine à ne pas vouloir être réduite à ce qu’elle est ?" 

Voici pour les lecteurs du blog un extrait de : L'âge de la parole, qui a obtenu le prix de poésie Max-Paul Fouchet en 1993. Son auteur, Jean-Loup Fontaine, est mort quelques jours avant l’attribution du prix. 

 

 

 

 

 

Et le ciel était sur nos langues avec ses bruits de chaînes, et nous croulions à chaque pas 
sous des fardeaux d’oiseaux de proie. 
       Et la terre emplissait nos bouches, 
       ô ces martèlements de pas rythmant les guerres de cent ans, de mille ans ! 
       Nous nous faisions, à qui mieux mieux, 
       détrousseurs de rosée, pilleurs de source, 
       ou de pluies, nous exprimions aussi bien l’air de l’eau, le vent du feu, 
       que la cascade de sa chute ou le papillon de son vol... 

       Et les châteaux se consumaient, à l’intérieur de nos mains jointes, 
       dans des crépitements de hannetons. 

 

       La nuit venait 
       qui fut inventée pour les pauvres, 
       avec ses ricanements dans les ruisseaux aveugles, 
       ses jargons de bois mort et de mauvaises herbes, ses présences innombrables,
       et le poids, l’insupportable
poids d’un silence toujours frémissant… 
       Nous savions bien 
       qu’elle est un œil immense, 
       et que c’était au centre de sa pupille que nous étions recroquevillés, 
       brandissant en bravaches, au-dessus de nos têtes, 
       le frêle bouclier de nos rires. 

 


… Ô le feu des commencements 
l’épervier qu’on arrache à la terre

… L’âge de la parole 


Jean-Loup Fontaine

Les commentaires sont fermés.