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"Gisements" de Lorand Gaspar, éditions Flammarion, octobre 1968, 126 pages, 1680 exemplaires, 7,50 F

Sur ce grand poète, un article intéressant a paru in Diérèse 89, signé par François Migeot. Gisements est le deuxième livre de Lorand Gaspar, son premier recueil : Le quatrième état de la matière, ayant été couronné par le Prix Guillaume Apollinaire, en 1967. Ecoutons-le tenter de définir ce médium singulier qu'est la poésie :
"... une pensée se dégage, se précise souvent (peut-être toujours) de la même manière, à partir d'un magma actif d'où jaillit une première lueur, une intuition, suivies d'une recherche de mots justes pour leur donner une première forme, puis c'est un va-et-vient entre enchaînements d'idées et de mots avec des retours et rectifications (ajustements, remaniements, approfondissements), où ce qui vient d'être exprimé semble relancer, parfois même ouvrir la pensée."
J'aime particulièrement cette approche, conçue à partir de la notion de "magma actif". Le poète n'écrit pas à partir d'un vide existentiel mais en lien avec une passion dévorante, suivie d'une entrée en résonance ; et dans ce sens celui qui fait œuvre de poésie serait - ou bien pourrait/voudrait être - en quelque sorte un "supraconducteur". Il entame un dialogue qui interroge le singulier et l'universel, la langue, la terre au sens large du terme et déborde finalement les cadres d'un pays donné pour élaborer un espace verbal tenant de l'imaginaire et de l'affectif, conjugué à cette impulsion de départ sans laquelle rien ne serait possible.

Ecoutons-le ici, dans le quatrième chapitre intitulé :

 

 

 

Escarpements

Tribut de la lumière.
Risque d'un univers aveugle,
risque de se briser dans la croissance des reflets.
                                    Plus tard, sur les gradins du soir
convergence du vol
et ralliement de poussières
                                    vers la dureté focale des diamants
où la parole amincie à l'extrême
présente sa lame laconique au ciel déshabillé.

 

* * * 


Etendues, déserts ou mers
qui que vous soyez
poussières suffocantes ou
odeur de soleil découpé sous le vent
la marche, les membres, le visage
descellés,
l'incroyance sévère, tenace, dans l'infini
pendant qu'encore une fois
la lumière est mise à mort.
Témoignez de l'absent.

 

* * *

 

Atolls de braises en haute nuit.
Corail de neige ou branches natives d'une lumière à venir
dans la parfaite confiance des noirs outre-terre.
Puis l'aube moulée à même la peau
à même la vallée où une pente soudaine
ouvre ses volets de chaux dans le sang
(cette page où notre encre écrit blanc sur blanc).
Gloire d'avoir fait un arbre de feu
et être revenu encore une fois
la langue brûlée de silences.
A même les citernes ou plus haut
où le galbe d'un vol sous-tend une colline,
où l'on tente de survivre d'un geste ténu
comme une note bleue au-dessus de l'abîme.


Lorand Gaspar


Six notes ont paru sur le blog en juin 2024, réparties comme suit : les 1er, 6, 9, 17, 22 et 30 du mois.

 

 

 

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