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"Mesure de la Terre", de Pierre Torreilles, éditions GLM, novembre 1966, 52 pages, 480 exemplaires

Dans son mémoire de master soutenu en juin 2009, Sandy Rémy évoque ainsi Guy Lévis Mano, talentueux éditeur qui a publié, entre autres, Mesure de la Terre, de Pierre Torreilles :
"De ses débuts dans des revues en 1923 jusqu’à l’arrêt de ses éditions en 1975, Guy Lévis Mano a tenu bon contre son temps afin de « [donner] un empire à la poésie ». Il y est parvenu parce qu’il concentrait en lui les « atouts perpétuels » et nécessaires à l’édification de cet empire : GLM était en effet poète, imprimeur-typographe et éditeur. La plupart du temps seul au travail dans son petit atelier de la rue Huyghens à Paris, quoique sans cesse visité par ses amis, auteurs et admirateurs, Guy Lévis Mano a consacré sa vie à offrir au texte poétique l’habitacle et l’habillage les plus nobles. Les cinq cent cinquante-trois éditions recensées par Antoine Coron dans son excellente bibliographie Les éditions GLM : Guy Lévis Mano, 1923-1974 (catalogue édité par la Bibliothèque nationale en 1981) sont ainsi le fruit d’un labeur passionné. Et pour qui connaît un peu les grands noms de la poésie et de la peinture qui ont porté le XXe siècle, comment ne pas reconnaître au premier coup d’œil le prestige du catalogue GLM ? Paul Éluard, Maurice Blanchard, Alberto Giacometti, André Breton, René Char, André Masson, Joan Miró, Andrée Chedid, ne sont que quelques-uns de ces artistes, d'ailleurs arbitrairement cités..."

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Quant à Pierre Torreilles, c'est en ces termes qu'en parlait le regretté Patrick Kéchichian, chroniqueur infatigable de poésie dans Le Monde des livres et qui a laissé, soulignons-le ici, un grand vide :
"Sa parole poétique, à la fois ascétique et obstinée, est abrupte, escarpée comme un chemin de montagne, animée par un souffle retenu, une volonté de nommer la "parole manquante" de notre présence au monde. "L'épiphanie du visible met au jour l'énigme du voir", affirmait-il.

Sans se confondre avec la quête philosophique - il prenait soin de distinguer les deux ordres d'expression -, son art poétique ne se comprend qu'en fonction du souci et de l'interrogation qui sous-tend cette quête. "C'est à partir de ce qui est perceptible, de ce qui apparaît dans le poème et de ce qui le fait apparaître que la philosophie est interrogée, et non l'inverse", soulignait-il."

Voici maintenant quatre pages extraites de Mesure de la Terre :

 

 

 

L'Epannelée


Village où meurt le vent


Plateau de neige taciturne et de vent raviné, contempteur de la pluie ; villages aux longues racines lançant aux cyprès leur défi ; tout est ici pour le luthier des lavandes, le rémouleur des troupeaux.

Avare de son visage, la terre est demeurée prodigue de ses mains.



L'alouette


Pour le ciel hérissé de soleil et de pluie, la grêle et l'alouette.

Son rire appesantit la soif magique des nuages.

Fade colchique de la mort, la solitude de sa joie émerveille le genévrier, mesure l'eau pour chaque pierre, annonce au ciel sa relevée.

Jetée dans le soleil, évocatrice de la pluie, sa retombée l'éclaire.



Cimetière du Vieux Noyers*


Ruines ensemencées au laborieux silence, les pierres tintent comme l'eau, les sonnailles comme la source.

Engrange-t-il la pluie, le terrassier multicolore des argiles, dans les fossés où dort le vent ?

Gardiens des eaux les morts confient à l'épervier l'héritage buriné des orages.

Bâtir la source, appareiller la lumière, est leur secret de maîtres d'œuvre.

Ils ont domestiqué le vent et de son chant surent creuser l'écuelle du séneçon.

_________

* sis à Noyers-sur-Jabron (Alpes-de-Haute-Provence).



Les violettes


Liées étrangement au silex comme autant d'éclats adoucis elles parlent, à lèvres perdues.

Ne se séparant jamais, capables de glisser quelque velours entre les pierres et le vent, leur sœur muette est la pervenche aux dents de lait.


Pierre Torreilles

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