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C'est en hommage à Robert Marteau que j'ai écrit ces "études" d'oiseaux, oui, de ce poète qui écrivait chaque jour - en marchant, disait-on, un sonnet. J'ai de longue date nourri de l'affection pour le monde animal, avant toute chose parce qu'il nous a précédé dans notre vie sur terre et que nous lui devrions quelque respect, même si l'évolution de notre monde va à peu près à l'inverse. ... La revue Diérèse est née avec en ses pages une part conséquente accordée aux animaux de toutes sortes, sans a priori. Elle a pris ses marques - ne serait-ce l'enjeu de la poésie ? - à partir d'un rêve éveillé en quelque sorte : que l'on pourrait admirer sans blesser ce qui nous entoure (et pour le coup prendre garde de n'en pas exclure l'espèce humaine qui n'a de cesse de s'entre-déchirer depuis l'aube des temps pour s'approprier quelques lopins supplémentaires, au détriment du voisin). Bien plutôt le revoir, ce monde, si possible (...) dans sa beauté primitive, reprendre forme sous les plis bienveillants de la muse, ceux de la jupe évasée d'une extatique déployée dans l'empyrée.
Pour vous, ces trois extraits du Monde des oiseaux :
La buse pattue
Voici monter, avec de doux froissements d'ailes la buse pattue au-dessus des bouleaux dans la clarté d'aube dont le nimbe ordonne les déchirements successifs de la lumière au détour du vallon, de ses formes à venir. Est-il besoin de nos yeux pour voir ses tarses emplumés comme les aigles vrais ou deux fois le jour border de blanc la barre sombre qui raye sa queue ainsi qu'entre deux rêves la nuit vient s'immerger touchée d'un faisceau d'ondes impalpables ?, déjà, bien avant d'être devenue celle qui par les grands fonds de l'air allie l'armure niellée aux floconneux duvets.
Sous l'étoilement des cristaux volatils sa grâce en dissipant l'étendue des signes aura su figurer une noblesse coutumière : insoucieuse de ce qui l'anime, folle compagne livrée à de lointains étages dont le passage d'ici-bas nous est interdit, repère silencieux devant sa propre image, imprononçable bien que juste au bord des lèvres comme à vouloir décrire d'un mot le sujet infini de la plainte des amants. Surtout il lui faut, à l'oiseau de proie, dépayser l'indifférent, glissant glacé, éclipsant pour se nourrir le dernier soupir de la perdrix accaparée emportée sans crier gare vers une crypte ornée de hardes, de lichens bleus et jaunes.
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La sterne Pierre-Garin
Ce que l'Indre charrie en grèves de sable blond, sous de pauvres splendeurs nous réserve une part d'imprévu, un rebord où le ciel se laisse aller dans l'idée du nombre dans la chambre d'échos par lequel le monde se divise sans fin en formes informes sous les métaphores filées d'invisibles Parques. Pétales secs ou luisants d'eau, ils sont découpes de fragments projetés dans l'imaginaire qui nous irrigue continûment au beau milieu d'une nature oublieuse de sa vie propre. Culminant en gloire, des kirr, kirr-kirri stridents et guère plus grosse qu'une tourterelle des bois la sterne Pierre-Garin porte à l'évidence sous la moire d'ailes gris clair le chiffre du voyage, l'empreinte d'une migration dont le prélude nous échappe.
De coquilles, d'herbes et de morceaux de bois son nid est une sorte d'astre chu où viendront s'enfouir les nouveau-nés dans l'attente de quelque équille. Le pastel matinal hausse sa silhouette dans un univers intérieur où tout déteindrait sur tout, et soi-même sur soi.
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L'aigrette neigeuse
Précieuse elle exhibe spontanément cette facture lisse froide quasi photographique d'un plumage blanc pur, manière d'apothéose. Et quand bien même l'herbe fume l'aigrette neigeuse, toute en sa vivacité jamais ne discrédite l'Illusion bien plutôt nous renforce dans le sentiment que la buée bleue qui lui est donnée de voir arriverait à dénouer chacun des termes de la contradiction de l'espèce humaine noyée en ses errements - en un seul battement d'ailes, qui confère à sa parure la force d'une nécessité, magnifiée dans l'instant. L'orientale calligraphie de fines plumes jaillies de la tête, du cou et du dos disent à leur manière, pendant la saison de nidification l'émoi des deux partenaires.
Un ciel couleur de pêche, sur le marais où se défait le pourpre liséré de fleurs d'eau érode la fragilité du dieu, l'enfance si peu lointaine. Quel saisissement d'avoir ainsi reconnue pour telle la douleur de l'oiseau rare qui se vit massacré pour l'ondoiement de ses plumes. Une réconciliation se célèbrerait-elle avec la nature dans sa majesté au regard d'une humanité dépassée par l'objet de ses désirs où poignent d'autres enjeux dont la transparence devrait à cette heure l'effrayer ?