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Diérèse et Les Deux-Siciles

  • "Six plus un remords pour le ciel", d'Odysseus Elytis, traduction de François-Bernard Mâche, avec une eau-forte de Jacques Hérold, éditions Fata Morgana, 6 octobre 1977, 40 pages, 400 exemplaires.

    "Deuxième Prix Nobel grec (1979), après Georges Séféris (1963), Odysseus Elytis est sans doute un des poètes majeurs de la Grèce contemporaine. Sa réputation de « poète de la mer Égée » ne doit pas tromper. Ce n'est pas, bien entendu, dans la peinture statique du paysage grec ni dans la présence de quelques thèmes persistants (îles, mer, soleil, jeunes filles, etc.) que réside l'importance de cette œuvre polyvalente, mais dans un effort d'unité profonde où la poésie joint la nature, l'histoire et la liberté. Pur poète lyrique, Elytis combine l'acuité du regard avec la force de l'imagination et la fraîcheur du sentiment. En dernière analyse, le surréalisme ne lui a révélé qu'une aptitude qui lui était propre : celle d'unir et de transformer les choses à la fois."

    J'ai choisi de vous donner à lire en ce jour des extraits d'un recueil du poète, paru peu avant l'attribution du Prix Nobel de littérature, et afin d'illustrer au passage l'un de mes propos constants : il n'y a pas de raison sérieuse (j'entends par là "poétique" et non idéologique) ou recevable pour que l'Hexagone, qui dans le temps portait haut la notion d'"exception culturelle" ait déconsidéré le lyrisme, le reléguant au rayon des vieilles lunes. Pour mémoire, Odysseus Elytis fut combattant de la guerre gréco-italienne (1940-1941), et cela nous vaudra la parution, en 1959, de son fameux Axion esti (ou : "Il est digne...", qui sont les deux premiers mots d'un hymne à la mère de Dieu dans la liturgie byzantine).
    Il s'agit d'abord, pour le poète, de retrouver le sens d'une vie, d'enrichir et de renforcer la première notion qui nous vient de naissance : celui de la relation. Relation à l'autre bien sûr, mais aussi relation à la nature, qui de toute manière aura raison de nous (si nous ne nous autodétruisons pas avant). L'opposition classique et formelle entre nature et culture procède en fait d'un détournement de sens, manichéen d'esprit, car l'un ne va pas sans l'autre, même s'il nous appartient de modeler notre environnement par l'intelligence d'abord, maître mot il est vrai, mais pas exclusif. De ce combat multiforme où l'avers prend source dans l'apparence, et le revers se conjugue avec la plénitude, surgit le poème, sa force intérieure et extérieure tout à la fois.
    Voici la première variante – dans une langue ici tragique, eschyléenne –, de l'une des sept sections qui composent Six plus un remords pour le ciel, intitulée :

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  • "L'éloignement intérieur", un poème de Daniel Martinez

    Ce que la nuit aura laissé dans l'ombre
    se délier avec le sommeil des graminées
    et le balancement des futaies
    toutes formes bues éparpillées de-ci de-là


    et la cendre aux arbustes pour faire chanter
    les épines en mimant les gestes immémoriaux
    les sons gravitent sourdement
    ouvrent des sentiers qui cartographient
    les maisons du ciel


    les frontières s'épuisent nomades
    Voile éclaireuse cortège d'astres 
    ce qui en toi vieillit prétend prédire
    la légende à partir de l'aventure
    de la musique des formes
    aux matières choses pensées à être


    La ramée se lit fille du désir
    elle est de ces diseuses
    qui transposent les deux mondes
    réceptacle des passions et des mélancolies
    on croit toujours dormir parmi les roses
    comme on respire en fermant les paupières


    comme on perçoit les sangs les humeurs
    Delvaux en voyageur égaré face
    aux embrasures grillagées du pavillon
    là où des femmes de cire voient fondre
    leur bougie à leur bobèche
    elles répètent inlassables les souples
    et moindres variations du réel
    complices de la solitude du peintre
    sous le voûtement sombre de l'allée

    ainsi nous apprenons la patience
    ainsi l'oisiveté comme l'essence du langage
    comme la ronde de planètes minuscules
    de par la transparence des baies
    les poitrines nues toisent des neiges électriques
    quand tout près de la pendule nous comptions
    sur nos doigts les toutes premières lueurs du jour.


    Daniel Martinez

  • "Le bateau en papier", "Papierboot" de Barbara Köhler, dans une traduction de Pierre Parlant

    Barbara Köhler (1959-2021) est née en RDA à Burgstädt. Ouvrière spécialisée dans l’industrie textile, elle a travaillé comme aide-soignante dans un foyer pour personnes âgées et comme éclairagiste au théâtre de Chemnitz. Passée dans les années 1980 par le fameux « Institut für Literatur Johannes R. Becher », son premier recueil a paru peu après la Réunification allemande en 1991. Traductrice de Gertrude Stein, Elizabeth Bishop et Samuel Beckett, elle a également une œuvre de plasticienne, qui prolonge son travail poétique à travers de courts textes, des photographies et installations. Trois de ses recueils ont été à ce jour traduits en langue française, aux éditions L’extrême contemporain : Deutsches Roulette (1991) et Blue Box (1995), par Laurent Cassagnau en 2022 et 2023, et Niemands Frau (2007) par Sven Keromnes en 2025.

    A découvrir le poème en vers puis en prose qui suit, intitulé : 

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