Diérèse et Les Deux-Siciles
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J'ai choisi de vous donner à lire en ce jour des extraits d'un recueil du poète, paru peu avant l'attribution du Prix Nobel de littérature, et afin d'illustrer au passage l'un de mes propos constants : il n'y a pas de raison sérieuse (j'entends par là "poétique" et non idéologique) ou recevable pour que l'Hexagone, qui dans le temps portait haut la notion d'"exception culturelle" ait déconsidéré le lyrisme, le reléguant au rayon des vieilles lunes. Pour mémoire, Odysseus Elytis fut combattant de la guerre gréco-italienne (1940-1941), et cela nous vaudra la parution, en 1959, de son fameux Axion esti (ou : "Il est digne...", qui sont les deux premiers mots d'un hymne à la mère de Dieu dans la liturgie byzantine).
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"L'éloignement intérieur", un poème de Daniel Martinez
Ce que la nuit aura laissé dans l'ombre
se délier avec le sommeil des graminées
et le balancement des futaies
toutes formes bues éparpillées de-ci de-là
et la cendre aux arbustes pour faire chanter
les épines en mimant les gestes immémoriaux
les sons gravitent sourdement
ouvrent des sentiers qui cartographient
les maisons du ciel
les frontières s'épuisent nomades
Voile éclaireuse cortège d'astres
ce qui en toi vieillit prétend prédire
la légende à partir de l'aventure
de la musique des formes
aux matières choses pensées à être
La ramée se lit fille du désir
elle est de ces diseuses
qui transposent les deux mondes
réceptacle des passions et des mélancolies
on croit toujours dormir parmi les roses
comme on respire en fermant les paupières
comme on perçoit les sangs les humeurs
Delvaux en voyageur égaré face
aux embrasures grillagées du pavillon
là où des femmes de cire voient fondre
leur bougie à leur bobèche
elles répètent inlassables les souples
et moindres variations du réel
complices de la solitude du peintre
sous le voûtement sombre de l'alléeainsi nous apprenons la patience
ainsi l'oisiveté comme l'essence du langage
comme la ronde de planètes minuscules
de par la transparence des baies
les poitrines nues toisent des neiges électriques
quand tout près de la pendule nous comptions
sur nos doigts les toutes premières lueurs du jour.
Daniel Martinez -
"Le bateau en papier", "Papierboot" de Barbara Köhler, dans une traduction de Pierre Parlant
Barbara Köhler (1959-2021) est née en RDA à Burgstädt. Ouvrière spécialisée dans l’industrie textile, elle a travaillé comme aide-soignante dans un foyer pour personnes âgées et comme éclairagiste au théâtre de Chemnitz. Passée dans les années 1980 par le fameux « Institut für Literatur Johannes R. Becher », son premier recueil a paru peu après la Réunification allemande en 1991. Traductrice de Gertrude Stein, Elizabeth Bishop et Samuel Beckett, elle a également une œuvre de plasticienne, qui prolonge son travail poétique à travers de courts textes, des photographies et installations. Trois de ses recueils ont été à ce jour traduits en langue française, aux éditions L’extrême contemporain : Deutsches Roulette (1991) et Blue Box (1995), par Laurent Cassagnau en 2022 et 2023, et Niemands Frau (2007) par Sven Keromnes en 2025.
A découvrir le poème en vers puis en prose qui suit, intitulé :