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Diérèse et Les Deux-Siciles

  • "lèvre", un poème de Daniel Martinez

    lèvre pour éventer
    ce qui sourd de la porte de l'âme
    pour suivre la mort très lente des vocables
    libérés de l'esprit qui souffle sur nos cheveux
    avec le bruit de la rivière qui appelle
    à peindre la vallée en jaune
    à travers la naïve harmonie de cet instant
    où tournoient et planent les frégates
    d'une rive à l'autre pour payer
    le prix de ton passage


    lèvre qui débouche à l'orée
    tel un faon passant le porche des sous-bois
    sur la terre feue
    pour y cueillir l'herbe guérisseuse
    y boire toucher des deux le vœu de la bruyère
    parmi les poussières invisibles
    tu es un morceau d'ombre
    embrassé à pleine bouche
    semé de grandeurs
    au-dessus de la joie des arbres
    et de l'entre-deux corps
    où la lettre faite d'eau et de sable
    de caresses et de coups d'ailes imprévisibles
    trouble les veines des mains


    lèvre qui lance ses racines aériennes
    ses mauves marelles
    et chatoiement de robes
    aux portants de l'automne
    elles entourent ce qui n'a pas été
    ou si peu qu'on l'a oublié
    de grâce ne macule rien du règne
    d'une enfance qui tire à elle
    comme un point de côté
    engravé jusqu'à la quille
    emmaillotée dans ses voiles blancs
    au long des promenades de mémoire
    lentisques genévriers cistes cotonneux
    autour de quoi tourner tourner encore
    la langue n'existe pas en dehors
    de cette odeur des vieux livres
    où l'on plonge sa mémoire
    danse de passes et d'esquives
    des caractères
    sous le tamis des orpailleurs
    et qui nous donne en retour
    le poème et la règle


    lèvre comme autrefois les dieux
    animaient la légende et les âges
    ils semblent de retour pour t'égarer
    parmi les toutes simples
    graines de l'ortie sur le seuil
    à travers cela que l'œil s'exerce à voir
    convoquant Keats Shelley parfois même
    le regard soucieux de Stevens
    apurant les comptes d'une vie
    consacrée à dame Poésie
    les retrouver dans le murmure
    prolongé d'insectes fragiles
    dans les clameurs qu'exhalent leurs vers 
    tout cela peut donc exister
    recomposer la vie de ma vie 
    dont tu ne saurais t'évader
    parmi les nimbes d'herbes
    en un riant asile
    où même les mots sont superflus

     

    Daniel Martinez
    le 9/6/25

  • "cendre", un poème de Daniel Martinez

    Cendre coupant le signe
    du savoir qui passait pour irrésistible
    viens te perdre dans le rayon mortel
    dans le très lent démêlement du matin
    nous volerons entre les ombres
    sereins


    cendre majuscule mémorable
    ne manque que la formule du passage
    des cônes ramassés dans l'herbe pleurent
    leur essence où viendra se réduire
    un univers
    telle est la romance
    le bourdonnement de la foule
    le chemin qui fait son chemin
    sans se soucier
    du tremblement qui l'achemine


    cendre fragments peaux mortes
    entre souffle et bruits de gorge
    avec quoi peser une fumée
    avec qui composer ma ténébreuse
    quand le matin revêtit sa robe déchirée
    laissant paraître les Sept Sceaux
    quelque chose d'extérieur s'écrit là
    volutes volutes où s'éploie
    le mûrier sauvage dans des odeurs
    de bitume de natrum et de myrrhe
    il n'est qu'un pas à faire pour infiltrer
    la liberté rongeuse du vent


    cendre au flanc des vases
    à l'odeur fauve comme un bras de la terre
    en quête du chiffre secret
    qui nous résume à ce peu
    traversant les rideaux
    la vraie distance
    de soi à soi enfin résolue


    Daniel Martinez
    8/6/25

  • "Fibrillations", un poème de Daniel Martinez

    Sifflets d'or des millénaires
    à l'image de nos désirs
    quand le flux sanguin se transmue
    en cascades dont les cristaux
    rayonnent dans la nuit du corps
    avec les flocons de l'encre
              Vous marchez sachant l'influx
    d'une musique intérieure indéchiffrable
    d'une constellation élective
    où tremble ce qui fut à l'origine des végétaux
    pris dans le silence du paysage
    Entre les mains de vos yeux
    un regard sur le pont infranchissable
    laisse grésiller les formes des veilleuses


    Vous marchez pulsée par les lèvres de l'air
    et parlez une langue aux mille bouches
    où commence l'autre murmure
    dans la minute même 
    chaque durée rendue
    au remembrement des saisons
    avec cette façon de tendre le mot
    jusqu'à son expiration
    pour la moisson d'un soir
    dans l'immense tendresse éparse
    accordée à l'œillade d'une belle égarée
    face à la Porte 
    où la ciellée pousse ses boucles
    descendent  jusqu'
    aux succulentes métaphysiques
    du couchant          fragments du tissu
    dont chacun nous sommes faits


    Daniel Martinez
    le 29/5/25