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Je me dois de vous donner des nouvelles de la future livraison de Diérèse, soit son quatre-vingt neuvième numéro. Elle comptera 314 pages, je n'ai pas pu aller plus loin (car les coûts de port, au poids (ici moins de 500 g.), deviennent prohibitifs, ils augmentent encore au 1er janvier, au rythme de l'inflation !). Sachez qu'en 2023, envoyer un exemplaire en Californie me revenait à 2,68 € alors que la même opération, d'un arrondissement (ou d'un département) à l'autre me voyait débourser 5,36 €, soit le double très exactement. Ce tarif privilégié consenti pour favoriser la diffusion de la langue française à l'étranger est finalement maintenu par la poste, en légère augmentation, là tout à fait acceptable... Sur le sujet, je vous invite à relire Pascal Commère in Diérèse opus 88, page 167, sachant que les tarifs postaux par tranche de poids ont (déjà) bien augmenté depuis ce qu'il a pu consigner là :
"À l’agence postale, ce matin, je tente de faire entendre à l’employée – sa mine de gros poupon rieur – qu’envoyant des livres, ce pour quoi je suis là présentement, je souhaiterais ne pas devoir régler un affranchissement d’un montant excédant le prix du livre. Elle dit oui. Je lui explique alors qu’il existait, naguère, un tarif Livre, lequel a par la suite été supprimé. Les livres voyagent désormais en classe Affaires, j’ironise. Elle dit oui. Oui oui. Puis, se penchant vers l’unique armoire qui meuble le coin qu’elle occupe dans la pièce réservée au secrétariat de mairie, elle tire une sorte de gabarit en carton. Voyez, dit-elle, au-dessus de trois centimètres d’épaisseur c’est plus le tarif Lettre qui s’applique. Et comme si je ne comprenais pas, elle ajoute : 4,50 € au lieu de 4,20 €. J’acquiesce. Ne manquant pas toutefois de remarquer qu’ayant il y a peu mis à la boîte de semblables envois estampillés d’un timbre à 4,20 €, ils ont été pareillement distribués. Elle dit oui. Décidément cette jeune femme est bien aimable, et c’est vrai qu’elle sourit en permanence, acceptant chacune de mes remarques. J’en profite tout de même pour lui signaler, quoiqu’elle n’y soit pour rien bien sûr, qu’avec de tels tarifs prohibitifs on ne pourra bientôt plus faire de services de presse. Et je lui explique en quoi cela consiste. Mais peut-être le sait-elle déjà ? Elle dit oui."
La multiplication des "revues" en ligne confirme le phénomène, que vivent au quotidien les revues papier (je ne parle pas des "zines") du moins celles qui décident de tenir bon la rampe. J'en suis. Dans le temps on me demandait si je n'étais pas banquier, à quoi je répondais que j'étais très loin de l'être. Celles et ceux qui me connaissent directement savent ce qu'il en est. Ceci dit, la poésie mérite bien quelques sacrifices, n'est-ce pas ?... J'ai effectué une seule fois une demande de subventions, refusée illico car je n'atteignais pas (comme toujours d'ailleurs) les 300 abonnés ; tiens, je m'autoriserai à vous scanner un de ces jours la réponse d'un obscur fonctionnaire du CNL (ita est). Est-ce qu'il me fallait baisser les bras pour autant ?Ce fut l'inverse, ayant de longue date été du côté de la résistance ; il en faut de l'énergie face à la dévalorisation de la chose écrite au profit du numérique, l''écran venant à déclasser le livre, la lecture aussi bien - et je ne parle pas que de poésie...
Dans ce numéro 89, revenons-y, il y aura notamment quatre hommages rendus à : Jean-François Mathé, Michel Cosem, Gérard Duchêne (plasticien-poète) et Daniel Giraud, qui a lui mis fin à ses jours le 6 octobre 2023. De Jean-François Mathé, qui nous a quittés en novembre (il a participé à Diérèse), je retiens ces poèmes de son cru, extraits d'un recueil paru en septembre 2019 : Vu, vécu, approuvé. (éditions Le Silence qui roule, maison que dirige courageusement Marie Alloy). Un titre qui me fait penser, ceci dit en passant, à un recueil d'Henri Thomas : Compté, pesé, divisé, paru chez Plon en 1989, il s'agissait là de pages choisies de son Journal. Vous pourrez lire aussi, dans ce n°89, des pages inédites du Journal de Pierre Bergounioux, que vous connaissez de plus près à présent... En sus, 22 poètes se partagent les deux "Cahiers", j'en resterai là. Voici pour mémoire quelques poèmes extraits du livre de Jean-François Mathé dont je vous ai parlé, Vu, vécu, approuvé. :
Ce n'est rien que le vent qui revient sur ses pas en chercher les traces qui n'existent pas.
Le vent qui déménage le beau temps, les nuages.
Le vent qui ne connaît pas d'horizons et nous laisse, les fenêtres ouvertes au trop-plein de l'espace.
* * *
Je resterai contre toi, contrevent contre autans, galernes qui nous en veulent, nous voudraient loin de l'autre, seul et seule. S'ils y réussissent parfois, souvent,
nous recousons chaque fois la tendresse qui est de moins en moins l'amour ardent. Tous deux, contre le vent jamais perdants, voyons en nous la lumière qui baisse.
Nous serons deux morts à la fin du vent, mais lui mourra seul sur son point final sans avoir éteint le faible fanal qui toujours éclaire le temps d'avant.
* * *
Une feuille, morte avant nous, flotte d'un bord à l'autre du vent.
Nous lui envions la légèreté que notre vie ne nous accorde pas,
même si nos jours, nos nuits sont des feuilles, mais, elles, alourdies de pluie
et qui tombent de l'arbre au sol tout droit comme s'il n'y avait pas de vent pour les aimer.