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Poète de son état, s'il commence à publier son tout premier recueil de poésie en 1981, avec Marges (Lettres de Casse), Nicolas Cendo s'est aussi intéressé de très près au monde de l'art et des artistes en tant que conservateur du Musée Cantini à Marseille (1983 à 2008) avec par exemple Louis Soutter (Actes Sud, 1987)
ou Antonin Artaud, œuvres sur papier (Musées de Marseille, 1995)... Il verra deux de ses recueils de poésie édités par Flammarion, le premier qui nous intéresse aujourd'hui ayant pour titre Dans cette obscurité. Nicolas Cendo a été essentiellement publié chez Tarabuste où ont paru ses sept derniers livres, avec tout récemment : Au souffle près (4 mars 2022). Christian Garcin parle de Nicolas Cendo en ces termes : C'"est un homme discret, et un auteur rare. Les contrées qu’il fréquente sont très éloignées des lumières coupantes et crues du battage médiatique : ses paysages se meuvent plutôt dans une pénombre discrète, comme l’indiquent les titres de ses précédents ouvrages... Cela va sans dire, il s’agit d’une écriture sans effets de manches, clins d’œil audacieux, ou références amusées. Elle joue sur très peu, s’attache à saisir des instants enfuis sitôt nommés, des ombres mouvantes et changeantes, des bruissements de palmiers, la fraîcheur qui s’attarde autour des rideaux, des voix d’enfants, un parfum d’herbes - comme une ténacité à saisir l’insaisissable, qui la situerait, cette écriture si tendue, aux lisières incertaines plus qu’au cœur des clairières, toujours en équilibre instable, et proche de ces « limites où tout peut basculer »."
Quelques pages extraites de Dans cette obscurité, un titre qui, me semble-t-il, colle à l'actualité internationale (et pas seulement) la plus immédiate, au regard de cet obscurantisme forcené au sens fort du terme qui occupe le devant de la scène. Pardonnez cette digression, vraiment trop tentante pour y résister. S'il faut bien, toutes affaires cessantes, redonner ses lettres de noblesse à la poésie, là où retrouver une chaleur naturelle, puissante, qui est le trésor de la vie, riche en esprits vitaux :
SOIF
reste à naître comme au-delà du mur entre deux nuages
fleur froissée obscure encore
froide
ne revient pas
rosée après la nuit ce peu d'instant avant de déferler
loin se retire
boit sans heurt devant ce qui lève
seule tache sur le bord
lourde
s'enfonce dans le jour vif
mais toujours au-delà aveugle à travers les sables
ou l'horizon quand la mer infléchit la lumière jusqu'au bord lisse qui ne la retient plus
frêle commence à battre entre les branches
s'affole blanche jamais posée contre le ciel
ainsi pour se défaire lentement tire
s'éteint
d'un pas aveugle
rien ne distingue le poids des feuilles de leurs ombres basculées au fond d'un creuset bleu
comme la houle au-delà des vitres très près du ciel
tremble ruisselle froisse en deçà
livre des pierres quand la chaleur n'est plus qu'un peu de terre à déchirer
visage sans relief la soif silence retenu d'un dénouement sans fin
ne laisse rien
ou plus clair le glissement de la nuit échouée
surface encore dans la lumière infiniment au-delà du miroir