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"Diérèse" 31, hiver 2005-2006, 264 pages, 8 €

Superbe première de couverture de Pacôme Yerma pour une entrée de Diérèse dans sa huitième année d'existence. L'exergue est de Henri Michaux (je vous parlerai prochainement de ses "Coups d'arrêt") : "L'écriture est un moyen de dépasser l'inexistence". Et de bouleverser le sujet jusque dans son corps perceptif : autrement dit par le transfert qu'opère le lecteur en s'appropriant de ce que l'auteur a porté en lui.

La revue Triages dans son numéro 17-1 paru en décembre 2005 rend un hommage appuyé et mérité à Ghérasim Luca, qui s'est suicidé le 6 mars 1994 en se jetant dans la Seine depuis le pont Mirabeau. Les textes publiés, qui ont été réunis et présentés par Serge Martin, renvoient aux actes de la journée d'étude Ghérasim Luca "A gorge dénouée" qui s'est tenue le 10 décembre 2004 à l'Université de Cergy-Pontoise.

Toujours en décembre 2005, dans le numéro 5 de l'éphémère revue de littérature Linea (104 pages) - c'est là son avant-dernier numéro -, on peut découvrir avec intérêt un dossier concocté par Josyane Savigneau sur "Les vies d'Annie Saumont", suivi deux nouvelles inédites de l'invitée. Dans la rubrique "Poèmes", des textes de Max Alhau, Thomas Amouyal, du lituanien Vladas Braziunas, de l'iranien Mohammad Bâgher Kolâhi Ahari, Daniel Martinez, Bernard Moreau, des traductions de poèmes inédits en français de l'italien Sandro Penna par Laurent Chevalier... Par parenthèses, les pages de garde de cette livraison sont difficilement lisibles, le responsable d'atelier devait être débordé - soit, on ne peut que lui pardonner.

Dans ce numéro 31 paraissent les derniers poèmes confiés à Diérèse de son vivant par Jacques Simonomis, poète et revuiste. De son activité de revuiste, on retiendra qu'après avoir coanimé la revue Soleil des loups, Jacques S., aidé par Yvette son épouse, fondera et animera sa propre revue : Le Cri d’os (40 numéros, de 1993 à 2003), à Paris, durant dix ans (j'ai participé à son numéro sur l'école, sujet porteur...) Un cancer devait l’emporter le 15 février 2005.

La première de couverture de Diérèse 31 à présent :

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Par qui commençons-nous ? Pour une fois, je ne suivrai pas vraiment ce qu'annonce la première de couverture.

. Michel Valprémy (1947-2007) qui fut poète et professeur de danse ouvre le bal avec cinq poèmes de son cru classiques, s’abstenir - voici le quatrième, en page 109 :

"Du bout des doigts, j'écosse l'eau, le lait. Du bout des doigts crème et crasse. Le temps est un miroir de sable, une flaque plate, le temps couche long, lent, au creux des brocs, des cuvettes, le temps chevrons, échelle de drap. Qui foule l'abreuvoir, le grand brasier de mars ? Qui pétrit figues, sang de truie ? Qui fouine et chasse ficelle au poing ? Barouf encore sous les tuiles - les rats rôdent, les belettes -, moisson de tringles et de quilles. Du bout des doigts lire l'écorce, la peau en bois, en plâtre, tambour, parchemin gras, la peau qui fuit, qui perd ses eaux, la peau petite, la peau du dessous de la peau, lire, lire la lumière, morse, pastilles, ou pilon droit et court-bouillon de lune. On gèle, on brûle ; c'est le jour du plein jour, c'est la nuit bigoudi - rayon qui frise. Qui pêche au zénith ? Qui tangue au crépuscule ? Allumez torches, lampions magiques, ouvrez vannes et clapiers ! Je rêve, à peine. J'y suis, presque. Le temps est une amande, un écrou. Serré, coincé, index très-blanc dans l'accroc du tricot. Je rêve, j'y suis : succion des roses et boutonnière. Du bout des doigts compter les miettes, mêler la boue, l'ennui et le salpêtre. Du bout des doigts le houx, la serpe, le fil chaud du rabot."                         Michel Valprémy

. Du poète espagnol Jordi Doce (lui-même traducteur de Paul Auster, William Blake, T. S. Eliot et Ted Hugues), ici traduit par Luis Porquet j’aime ces bienheureuses interactions ce texte, le premier des quatre offerts à Diérèse, dont le thème donnera naissance à la couverture de son numéro 34 :

Aimantation

Dans la pièce qu’envahit la pénombre
le cercle de la lampe resplendit sur la page
répandant sa chaleur sur les doigts
qui empoignent le cahier et, dans un mutisme serein,
tracent de nouveaux signes.

La rue est la moulure d’un autre silence.
Pas âme qui vive sous les saules,
sous le lampadaire faiblement allumé
dans la fraîcheur de cette nuit de juin,
cette nuit où tu veilles.

La blancheur de la page éblouit davantage
que le foyer de la lampe.
Ta main ébahie a suspendu le temps.
Au-delà de la pièce règne la nuit
attirant à elle tout ce que tu écris
tout ce qui fut appelé à t’écrire.

                                             Jordi Doce

. Un conte truculent de Jude Stefan, écrit sur son Olivetti, qui me ramène à ma troisième, à la corvée du BEPC une année qui m’a bien plus marqué dans le cadre périscolaire par le personnage (le contrôleur des poids et mesures) que je jouais alors dans la pièce de Giraudoux, Intermezzo :

Le Brevet des Collèges

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     J'ai passé le Brevet. C'est là mon premier examen, si l'on excepte communion et confirmation, et destiné à nous préparer au Baccalauréat - lequel est encore plus difficile, car il n'y a que 80 % de reçus, outre le rattrapage (ou certains même échouent) -, puis à la nuit de noces. J'avais ma bouteille d'eau et ma barre chocolatée, refait ma natte, et c'est ma grand-mère - ex-Directrice d'école - qui m'avait amenée dans son Audi, car mon père, simple ouvrier, était à son travail. A neuf heures précises furent distribués les sujets, retirés d'une grande enveloppe bistre. Chacun avait sa table, son numéro d'appel, sa carte d'identité. On aurait entendu une aiguille tomber, tant l'instant s'avérait important. C'était le sujet de Rédaction : la tête entre les mains je le découvris sans aussitôt comprendre : "Que feriez-vous si vous n'étiez pas né ? Développez.". La question me surprit, ayant plutôt révisé, comme le bruit en courait, le Néanderthalien au larynx trop haut placé. Certains se regardèrent, d'autres méditaient déjà sur la question, plusieurs même se mirent à écrire. Je ne découvrais guère la problématique, comme l'avait préconisé l'Institutrice, mademoiselle Beaudrap. On entendait des toux, des raclements de pieds...          Jude Stéfan

. Et pour terminer ce bref aperçu, l'une des "Prodictions" de Pierre dalle Nogare :

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