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Christian Bobin nous a quittés

"Christian Bobin, qui avait notamment connu un succès de librairie avec « Le Très Bas », est mort à l’âge de 71 ans, a annoncé ce vendredi la maison d’édition Gallimard. Il est décédé « le 23 novembre, des suites d’une grave maladie », a indiqué dans un communiqué son éditeur, Antoine Gallimard. « Lisons Bobin, il nous soigne de la tristesse et du scepticisme, il nous invite à une quête de la joie avec ses mots d’emprunts d’une grande sensibilité (…) Son sourire, sa joie, son humanité vont nous manquer », a-t-il écrit. L’auteur, qui ne se souciait guère de sa réputation, publiait avec régularité des textes courts en prose. Certains ont dépassé 100 000 exemplaires, comme « Le Très-Bas », sur Saint-François d’Assise, en 1992. D’autres sont restés confidentiels. Il venait de publier un roman aux éditions Gallimard, « Le Muguet rouge », et une anthologie « d’œuvres choisies », « Les Différentes Régions du ciel ». Frédéric Beigbeder, journaliste et critique, avait lancé en 1995 : « Bobin est, de loin, l’écrivain le plus célèbre du Creusot », sa ville natale de Saône-et-Loire, à laquelle il était resté attaché. Personnalité du Creusot « Je suis né dans un berceau d’acier », confiait cet automne ce fils d’un professeur en dessin industriel, alors que Le Creusot avait abrité les usines sidérurgiques Schneider au XIXe siècle. Mais, chez lui, pas de roman de l’industrie, de réalisme social, de lutte des classes, au contraire : un art pointilliste, tourné vers la nature et le ciel. « J’ai préféré aller vers ce qui semble ignorer le passage du temps : les fleurs, l’amour dans sa première timidité, l’attente, la beauté d’un visage, le silence, la longue durée… Toutes ces choses que la vie moderne petit à petit commençait à nous enlever, à nous voler », concluait-il. « Être de poésie, solitaire généreux, Christian Bobin nous a offert pendant près de cinquante ans une exploration de thèmes que nous avons tous en partage : le deuil, la sensibilité à la nature, le passage du temps, l’intimité et, toujours, le besoin de recueillement », a salué vendredi dans un communiqué la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak. « Si sa disparition laisse un vide immense, ses livres continueront à nous offrir les plus belles et les plus profondes respirations, celles qui donnent la force de vivre », a-t-elle également déclaré."

Tous mes regrets à celle qui a partagé sa vie, Lydie Dattas et à ses proches, ses amis fidèles, Charles Juliet, Sylvie Fabre G., Jacques Réda notamment. Je vous donnerai lecture lundi 28 en soirée d'une lettre que ce grand poète m'avait adressée, depuis Saint-Firmin. En partage, Daniel Martinez

* * *

"Quand tisonner les mots pour un peu de couleur ne sera plus ton affaire
quand le rouge du sorbier et la cambrure des filles ne te feront plus regretter ta jeunesse
quand un nouveau visage tout écorné d'absence ne fera plus trembler ce que tu croyais solide
quand le froid aura pris congé du froid
et l'oubli dit adieu à l'oubli
quand tout aura revêtu la silencieuse opacité du houx

ce jour-là
quelqu'un t'attendra au bord du chemin
pour dire que c'était bien ainsi
que tu devais terminer ton voyage
démuni
tout à fait démuni"

Nicolas Bouvier, in Le dehors et le dedans (éd. Zoé, 1997)

 

 

 

 

"Le Temps des yeux" (éd. Le Lavoir Saint-Martin, janvier 2019) venait de sortir et Christian, en fin lecteur qu'il était, s'était penché sur mon ouvrage. Il avait remarqué l'adresse à André Breton en page 81 avec sa "Décalcomanie du désir" ; Arthur Rimbaud de même, en page 110 avec "La misère et la Beauté"... et puis le reste.
Je me souviens aussi du texte le plus caustique qu'il ait jamais écrit, non repris en livre, paru dans L'Autre journal, de Michel Butel, emporté il y a peu. De ses pleins et déliés à l'encre noire, de ses tout premiers textes parus aux éditions Brandes, dont certains n'apparaissent même pas dans sa bibliographie. De son "Colporteur" illustré par Christian Gardair exposé à la librairie La Hune, du temps où elle voisinait avec l'église Saint-Germain-des-Prés...
Et puis voilà, pour l'heure : je n'aime pas résumer, réduire, glacer le mouvement du temps. DM

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